dimanche 30 août 2009

Longue vie à Google Books !

Je comptais rédiger aujourd’hui la conclusion de mon mémoire, afin de clore une première version complète, mais voilà, l’inspiration est chose capricieuse.

Google Books LogoJe vais donc rebondir sur la question de la numérisation des œuvres de la BNF par Google, un sujet qui trotte mollement dans l’actualité et sur lequel je compte bien vous dire quel est mon avis. Après tout, j’ai un blog, et il sert à ça.

Si vous n’êtes pas au courant de cette polémique, je vous invite à écouter cette courte mais très instructive chronique de Jérôme Colombain.

google-books
Chronique issue de France info of course


Adonc, le marché, c’est que Google scanne les bouquins, laisse ensuite les livres et l’exemplaire scanné à la BNF, mais s’en garder une copie ainsi que l’exclusivité de l’indexation desdites copies sur le net. Le tout, au frais du géant américain. Cela semble équitable, car ainsi les ouvrages sont numérisés et disponibles, tandis que de son coté, Google rentre dans ses frais en jouissant de sa popularité.


Mais voilà, certains esprits chagrins font remarquer que le géant américain a le défaut d’être un géant en situation de monopole d’une part, et d’être américain d’autre part. Dès lors, le laisser numériser la culture française serait livrer cette culture en pâture au modèle américain. En outre, ce sagouin de Google entend se faire de l’argent sur le dos de la culture française par le biais de la pub. Et enfin, ces fichiers sont certes gratuits, mais pas libres, ainsi Google peut décider à tout moment de monétiser son système.


On ne pourra guère me taxer de faire l’apologie des monopoles, ni du capitalisme barbare et encore mois d’être un pro-américain invétéré. Cependant, avant de crier au loup, je voudrais faire remarquer que pour ma part, je trouve les services rendus par Google en général, et de Google books en particulier sont irréprochables. Les livres sont disponibles, consultables en lignes et téléchargeables gratuitement. Ils sont lisibles, bien présentés, d’un poids raisonnable. Pour moi, modeste étudiant en littérature qui suis en train de terminer mon mémoire, Google books est une bénédiction des dieux. J’ai par le biais de ses services gratuits accès à nombre de livres, et en tant que lettreux, je ne peux souhaiter qu’une seule chose : que d’ici à un avenir proche, TOUS les livres soient disponibles de cette manière.


Quelque soient les réserves idéologiques, nationalistes ou autres que l’on puisse émettre, les services de Google Books en ce qui concerne la numérisation, l’indexation et la diffusion des versions numériques sont tout simplement les meilleurs, les plus performants, les plus pertinents, et ce à des kilomètre devant n’importe lequel de ses concurrent.



Mais je vais tout de même reprendre les critiques qui sont formulées. Tout d’abord, l’argument du vol de la littérature française au français pour la livrer en pâture au modèle américain est juste stupide et digne des discours pro hadopi (oui, nous sommes dans le même débat avec des dinosaures qui n’arrivent pas à se faire à l’idée de la dématérialisation des œuvres, qu’elles soient musicales, cinématographiques, ou ici, littéraires.)
  • Car, premier point, les œuvres ne vont pas bouger de là ou elles sont. Google va juste garder certains droits sur les copies qu’il en aura faites et qu’il aura mises en ligne.
  • Second point qui découle du premier, la BNF est libre de faire ses propres copies numériques si ça lui chante.
  • Troisième point, ça va peut être jeter la culture en pâture au géant américain, mais lui au moins a la délicatesse d’en faire profiter tout le monde, parce que les ouvrages qui sont à la BNF, et bah ils y restent, et finalement, ne profitent pas à grand monde.




Ensuite vient la critique du choix d’une entreprise privée américaine qui, de plus garde des droits sur les copies qu’il diffuse, de sorte qu’il puisse à tout moment décider de verrouiller les contenus.
  • Tout d’abord, premier point, même en faisant le chauvin, je ne vois pas quelle entreprise privée française aurait les reins suffisamment solides pour faire ce que Google s’apprête à faire, avec la même efficacité, et surtout, sans en défalquer le coût sur les usagers. Quand à une la version publique, Gallica, elle est bien gentille, mais on est loin du service Google, tant en ergonomie qu’en qualité des ouvrages, et ne parlons même pas du volume.
  • Deuxièmement, Que Google garde de droits sur ces copies, c’est bien la moindre des choses, puisque Google assumera seul la dépense, contrairement à la numérisation par la BNF qui est payée par tous.
  • Enfin, troisièmement, la question du verrouillage de contenu, et de la monétisation des œuvres française, est effectivement une possibilité, mais dont la probabilité est bien faible : Google gagne de l’argent par les publicités associées à ses pages. L’entreprise à donc tout intérêt à voir le plus de gens possible débouler sur ses sites, quitte à fournir des services onéreux à court terme, et à contrario tout à perdre à les faire fuir en leur demandant de payer. J’ajouterai que les concurrents de Google n’attendent que ce genre de faux pas de la part du géant pour le tacler.



Je finirais par faire remarquer que Jean-Noël Jeanneney, l’ancien président de la Bibliothèque Nationale de France à beau raller, les alternatives sont inexistantes ou négligeables, et que la ligue des opposants à Google, Microsoft, Yahoo et Amazon ne sont ni des entreprises à but non lucratifs, ni connu pour leur humanisme, et ne sont en fait que des concurrents qui ont loupé le coche, et qui voudraient bien faire trébucher un service qui fonctionne trop bien pour eux. Cela ne me réjouis pas de voir Google avoir peu à peu tout l’internet entre ses mains, mais comme pour le moment il n’y a pas lieux de se plaindre de ses services, je préfère une mise à disposition totale des œuvres que le piétinement de bibliothécaires sectaires. En outre, quand bien même Google s'amuserait à vérouiller les oeuvres, il ne faudrait pas bien longtemps pour que les copies circulent librement sur le net.


Il y avait les tablettes d’argiles, il y a eu les papyrus, le parchemin, les moines-copistes, Gutenberg et voici la lecture en ligne... longue vie à la lecture, et longue vie à Google Books.
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4 commentaires:

Paladin a dit…

Le véritable problème tient dans le fait que Google va détenir l'exclusivité des droits sur la dématérialisation de ces oeuvres pour l'éternité, comme l'indique le terme de monopole. Ceci dit, si ça ne s'applique qu'à des ouvrages d'archive conservés jalousement dans une arrière-salle...

Au passage, la démocratisation de ce genre de plan risque-t-elle d'avoir un impact positif ou négatif sur ton futur boulot ?

Morigan a dit…

L'un de mes possibles futurs boulot étant potentiellement la numérisation et l'indexation de tout papier n'ayant pas de version numérique, et la gestion de base de données, la démocratisation ne peut qu'avoir un impact positif.

Un livre enfermé au fond d'une bibliothèque et pour lequel il faut 15000 autorisations spéciales pour y accéder à cause de son âge, et/ou de sa rareté, c'est très bien, mais si on peut même pas le consulter en version numérique sous prétexte que la BNF veut pas que Google le numérise, c'est stupide.

Après, la question de l'exclusivité ne porte pas, sauf erreur de ma part, sur les droits de dématérialisation des œuvres, mais l'exclusivité d'indexer sur le net les œuvres numérisées par Google pour le compte de la BNF. C'est assez différent.

B. Majour a dit…

Bonjour

il ne faut pas regarder le court terme... mais le long terme.

S'approprier l'exclusivité des droits (même si le service est génial, parce que gratuit... à 50-100-200 euros, on en reparle du côté génial), s'approprier cette exclusivité est donc dangereuse.

Car, comme pour Amazon, ils vont simplement interdire de pouvoir indexer ce contenu, ou exiger le lien exclusif vers leur site (Cf. Amazon et LibraryThing en ce moment)... c'est-à-dire interdiction d'utiliser d'autres liens vers des sites images (gratuits ou pas).

Monopole = exclusivité.

Peu importe que ce soit américain, ou demain chinois, ou encore européen, il faut que la culture continue à être gratuite et accessible à tous. C'est la démocratie.
Que l'on concède à Google une jouissance temporelle (5 - 10 ans), certes pour les rembourser de leur numérisation... mais au-delà, on coule Google dans le lit des actuelles Majors (qui s'assoient confortablement sur les revenus d'abonnements (chers), ventes (chères), etc. et sur des lois hadopi)... pour défendre la culture ??? La question est bonne. ;-)

Voilà ce qu'apporte les monopoles.

Sans perdre de vue le point suivant : une pratique courante, dans le monde marchand, c'est le dumping. On vend à perte, voire gratuitement, le temps de couler les adversaires... et ensuite on vend très cher ce qui était bon marché, ou gratuit.

Google-books est bien. Ce serait excellent qu'il le reste pour très longtemps, pour tous les étudiants qui suivent. Que Google ne soit pas seul sur le marché, c'est un gage de pérennité...
De plus, une société privée peut se racheter. (surtout aux US)

Alors il faut envisager le long terme. :-)

Bien cordialement
B. Majour

Morigan a dit…

La situation de monopole est certes préoccupante, mais la situation actuelle des majors enseigne une chose : une fois une œuvre diffusée numériquement, tenter d’imposer un prix dissuasif ou une consultation restrictive mène à une diffusion gratuite, illégale et totalement incontrôlée. Je pense que Google est conscient de cela, et je doute donc que la société s’amuse à remettre son modèle de fonctionnement en question pour une bataille perdue d’avance, car le jour ou Google met un prix sur ces .pdf, les réseaux vont se gorger de .pdf circulant librement en dehors de Google. Le dumping serait donc une très mauvaise opération.

Du point de vue de l’utilisateur, cette polémique ne fait que retarder l’accès aux œuvres, ce que je trouve dommage. Le problème serait différent si l’on donnait à la culture les moyens de ses ambitions (possibilité pour la BNF de faire un travail comparable à Google.) Mais force est de constater que ce n’est pas le cas.

A court terme, l’option Google est les meilleurs, et à long terme, l’option de Google est la meilleure tant que la firme de Mountain View ne change pas de modèle. En revanche, si c’est un modèle payant qui s’établit, le partage « illégal » de la culture se mettra immédiatement en place. De mon point de vue, l’utilisateur est gagnant dans les deux cas.