vendredi 3 avril 2009

16 gus … dans un hémicycle

Le projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, communément appelé Création et Internet à été voté par l’assemblée nationale dont 16 membres sur 577 étaient présent. C’est pourtant ce texte qui instaure l’Hadopi (Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet), mesure d’importance dans une société où Internet occupe une grande place.

Idées reçues

Je vais développer plus amplement, mais il me faut dissiper quelques idées reçues.
  • La loi ne punit pas les pirates, mais les titulaires de la ligne même s’ils n’ont jamais rien piraté.
  • La loi ne rémunère pas les artistes.
  • La loi ne fait rien de concret pour favoriser l’offre légale.
  • La loi est en opposition avec le sens que prend l'appareil législatif européen.
« Quand une loi paraît aussi hasardeuse dans son application, aussi imprévisible et aléatoire d’un point de vue technique, ce n’est pas une bonne loi et celle-ci emprunte un peu à Courteline, un peu à Kafka et beaucoup à Alfred Jarry »
Christian Paul


Ce que propose la loi

Le but avoué de l’hadopi est de favoriser l’offre légale et de mettre en place une riposte graduée à l’encontre des pirates du net, affin de protéger la rémunération des artistes et des ayants droits.

La riposte graduée prévoit à ce titre d’envoyer deux mails avec éventuellement un courrier recommandé à l’internaute suspecté de piratage par les ayant droits avant faire couper sa connexion Internet par son FAI (Fournisseur d’accès Internet) pour une durée variable de deux mois à un an. A la coupure peut se substituer l’obligation d’installer un logiciel de surveillance payant dans les cas ou la coupure n’est pas réalisable pour des raisons techniques, ou pour des raisons professionnelles (connexion d’entreprise, médicale, etc...)

La suspicion de piratage se base sur l’adresse IP, et la sanction est de ce fait infligée au titulaire de cette IP.

Pour favoriser l’offre légale, la chronologie des médias est raccourcie à quatre mois.

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échelle de Riester
Franck Riester, le rapporteur de la loi Création et Internet

Remarques

En attendant que l'ubuesque loi passe devant le Conseil Constitutionnel et la commission mixte, je vous livre mes quelques remarques sur cette usine à gaz qui récolte un 10 sur l'échelle de Riester.

Première remarque : La loi ne prévoit peu de choses concrètes pour favoriser l’offre légale. Elle compte d’une part sur sa force dissuasive pour rabattre les contrevenants vers l’offre légale, sur la labellisation des offres légales d’autre part afin de les signaler clairement aux internautes, et enfin sur un raccourcissement de la chronologie des médias. Si l’efficacité dissuasion est soumise à caution, la labellisation est clairement inapplicable, et contraire à la neutralité du net, instituant une culture d’Etat. Quand à la chronologie des médias, il n’était que tant, mais on regrettera qu’aucune incitation à des baisse de prix n’ont été envisagé, alors que c’est là que le bas blesse.
Conclusion : les ayants droits ne sont donc tenu à rien pour favoriser l’offre.



Seconde remarque : L’envoie de mail peut poser également un problème.
1) Adresse non utilisée : de nombreux internautes utilisent d’autres adresses que celle fournie par leur FAI, et parfois ne l’utilisent plus du tout. Le mail ne sera donc pas reçu.
2) SPAM : quoi de plus simple qu’utiliser la peur populaire pour envoyer de faux mails (spam) aux couleurs de l’Hadopi. Les mails officiels risquent donc soit d’être supprimés par les anti-spam, soit noyé dans la masse et mis à la corbeille manuellement par des internautes lassés d’en recevoir des quantités chaque jours.
Conclusion : les mails sont une bonne idée, mais qui risque d’être l’un des nombreux problèmes techniques.


Troisième remarque : La loi ne prévoit rien concernant la rémunération des ayant droits, et encore moins des artistes. Là encore, la loi fait le pari que limiter le téléchargement augmentera la dépense, ce qui n’est fondé sur rien, sinon sur l'idéologie libérale prônant avec le succès qu'on sait que l'économie se régule d'elle même.
Conclusion : Ni les uns ni les autres ne gagneront le moindre cent.


Quatrième remarque : Couper la connexion à un internaute, si cela paraît simple de prime abord, cela se révèle dans les faits très complexe, notamment dans les cas des offres triple play et surtout très couteux. 70 million d’euros après une estimation optimiste. Par ailleurs, dans certain cas, ce n’est même pas réalisable et/ou souhaitable.
Conclusion : la coupure est contestable, prohibitive, et touchera inégalement.


Cinquième remarque : Pour se prémunir de la coupure, il faudrait avoir au préalable installé un logiciel spécifique. Non seulement ce logiciel payant unique et obligatoire crée un précédent dans l’histoire du net mondial, mais en outre cela risque de créer des failles béantes de sécurités, d’autant plus que l’amendement visant à l’interopérabilité dudit programme à été rejeté. Je ne parle même pas de l’atteinte aux libertés individuelle que constitue l’obligation d’une personne par une autorité non judiciaire à être surveillée personnellement.
Conclusion : Cette idée de logiciel gouvernemental ne tien compte d'aucune des plus élémentaires règles d'Internet et des libertés fondamentales.


Sixième remarque : L’adresse IP n’est pas une donnée suffisante pour accuser qui que se soit, et ce pour plusieurs raisons.
1) Un ordinateur peut être utilisé à l’insu de son propriétaire, l’IP correspondant donc à la victime, et non au pirate.
2) Une connexion Wifi peut être utilisée par un tiers, l’IP correspondant donc cette fois encore à la victime, et non a pirate.
3) Il est possible de lâcher de fausses IP dans les filets des enquêteurs, et dans ce cas l’IP relevée mènera encore une fois l’enquêteur à un innocent internaute.
4) Dans un réseau local, l’IP est la même pour un nombre parfois très élevé de postes. Dans ce cas, l’IP relevée correspond au titulaire de l’accès internet, et non au pirate (même s’il se peut dans ce cas qu’il s’agisse de la même personne.)
Conclusion : l’accusation sur la base de la seule IP est un non-sens avéré par tous les professionnels et interlocuteurs sérieux.


Septième remarque : Ni le contradictoire ni les libertés individuelles ne sont respectées avec l’Hadopi. Il y a présomption de culpabilité puis condamnation sur la base de preuves peu fiable (IP) menant à une sanction administrative pénible (coupure internet) ou contestable (surveillance logicielle). Le délai de contestation de la coupure Internet est de 30 jours au bout desquels la coupure est effective. Le recours lui même n’est pas suspensif. N’étant pas une sanction à proprement parler, ni les mails ni les recommandés ne sont contestables. A aucun moment dans la procédure l’internaute ne peut prouver son innocence, il peut juste contester la sanction à posteriori.
Conclusion : cette loi instaure le flicage globale, la présomption de culpabilité et la sanction systématisée.


Huitième remarque : Tout à été fait pour compliquer les recours possibles, et aucun des amendements (ils furent nombreux, et ont émané de toutes les familles politiques présente lors des débats) présentés pour remédier à ce flou juridique n’ont été ni approuvé par le gouvernement, ni adopté. Conclusion : C’est donc une volonté manifeste du gouvernement de condamner via un système administratif non judiciaire sans permettre la défense dans de bonne condition.


Neuvième remarque : La pédagogie, argument clamé pendant toute la durée du débat a l’assemblée est un vain mot.
1) La pédagogie de la sanction ne fonctionne qui s’il y a réellement, et dans bien des cas, l’accusation se fera sur de faux positifs.
2) La pédagogie sans explication est vouée à l’échec. Or, la ministre de la culture à amplement prouvé qu’elle ne maitrisait pas son sujet, confondant même suite bureautique et logiciel de sécurité. Rien dans la loi ne permet cette information pédagogique promise, de sorte que l’Hadopi est entièrement libre.
3) La loi condamne quiconque n’a pas « sécurisé » son ordinateur.
Conclusion : Je ne vois pas ou va se nicher la pédagogie dans aucun des principes de cette loi.


Dixième remarque : D’une manière générale, l’Hadopi tente d’utiliser à une échelle généralisé et sur tous les internautes des principes d’exception qui ne sont habituellement dévolu qu’à la chasse au terroriste, la lutte contre la pédophilie, et le blocage des révisionnistes. D’ailleurs, durant les débats, Christine Albanel à gagné deux point Godwin. Le premier en s’offusquant de critiques envers sa loi qui selon ses propres termes érigent l’Hadopi en gestapo, et le second lorsqu’elle fait des rapprochements entre des sites de p2p et des sites nazi… Je passerai sur le coté choquant que peut avoir ce genre de rapprochement douteux pour appuyer sur la division que le propos induit : on est d’accord avec le flicage gouvernemental, ou alors on est un nazi pédophile terroriste.
Conclusion : L’arsenal législatif disproportionné dans tous les sens possibles n’est pas en rapport avec l’éventuel préjudice causé (lequel au demeurant n’est pas prouvé) et ne pointe le doigt que sur les efforts d’une industrie qui, refusant de s’adapter, s’agrippe à un gouvernement qui ne comprend visiblement rien aux nouvelle technologies.

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Pour finir, je dirais donc que cette loi en bonne partie inapplicable dans les faits n’est qu’une ineptie supplémentaire, après notamment le bide de la loi Dadvsi (prononcez « davsi ») dont aucun volet n’a jamais été mis en application. Il ne reste qu’à espérer qu’il en sera de même pour celle ci, sachant que de toute façon, il existe de nombreux moyens de contourner l’Hadopi.
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