dimanche 18 novembre 2007

Piano dans la brume

Je n’ai guère écouté de musique ces dernières semaines, d’ou l’absence de post mélomanes sur le blog depuis fin octobre. Mais en classant mes fichiers audio, et en jetant un œil sur l’énorme tas de CDs qui trainent depuis un moment dans un vieux sac, lamentablement délaissés tant à cause d’un manque totale de toute forme de motivation que simplement par manque du meuble range CD adéquat, j’ai retrouvé par hasard quelques morceau de Satie que je me suis mis à écouter en boucle. Je vous propose donc d’écouter avec moi ces quelques morceaux. Ils sont plutôt connus, puisqu’il s’agit des Gymnopédies et des Gnossiennes. Si le nom ne vous dit rien, la musique en revanche vous semblera sans doute familière.

Piano dans la brume
Les Gymnopédies ont été créées en 1888 au nombre de trois, chiffre magique qui se retrouve dans beaucoup d'oeuvres de Satie (influencé par Péladan et la pensée de la Rose-Croix). Leur beauté est telle qu'elles ont été orchestrées par Debussy, du moins la première et la troisième. Le titre évoque bien sûr des éphèbes grecs dansant nus avec toute l'imagerie sensuelle voulue. Mais c'est sous-estimer Sparte que de penser que ces fêtes, possiblement importantes, ne soient qu'une valorisation esthétique du corps : ce serait des danses de jeunes hommes en l'honneur des guerriers morts. Et l'atmosphère qui dégage de ces morceaux musicaux est indubitablement triste et nostalgique. On a coutume de dire qu'ainsi ils représentent le coeur de la production de Satie, cette tristesse qui imprègne beaucoup de ses oeuvres.

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D'abord publiée en 1893 dans une revue musicale, la Première Gnossienne ne fut officiellement diffusée que 20 ans plus tard par l'éditeur Rouart-Lerolle. Caractéristique du style de Satie, elle nous interroge à bien des égards.
En premier lieu, son titre fit couler beaucoup d'encre. Est-ce une évocation de l'île crétoise de Cnossos, une allusion à la devise introspective de Socrate (Connais toi toi-même) ou plus simplement un mot imaginaire choisi pour ses sonorités et son rythme? Les titres chez Satie sont à rapprocher des commentaires dont il essaime certaines de ses partitions: énigmatiques, elliptiques, riches de sous-endentus, on ne sait par quel bout les prendre. Mais les originalités ne s'arrêtent pas au texte. Bien que le découpage des mesures aurait pu souffrir une triviale division à quatre temps, Satie s'est bien abstenu d'y insérer la moindre barre. La vue d'ensemble y gagne en liberté. Cette pièce courte apparaît alors comme un tout, un soliloque ininterrompu qui se termine comme il a commencé, issu du silence et se perdant dans l'infini.
Stéphane Villemin
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