mercredi 16 septembre 2009

Député Jean Michel (PS, sic)

Jean Michel
Au lendemain du vote du volet répressif de l’Hadopi, l’Hadopi 2, je vous fait part de quelques réactions à cette loi, et tout d’abord, celles des pro Hadopi. Il me semble en effet intéressant de décortiquer leurs propos, afin d’en montrer toute l’ineptie.

Je prendrais donc pour exemple le député Jean Michel (PS, sic), qui affirme ainsi :
« J'ai toujours été contre le vol et que des sanctions soient prises contre ceux qui pillent les droits d'auteurs n'est que justice. Il est toute de même inquiétant de voir que dans notre société, il est plus important – liberté fondamentale reconnue par le Conseil Constitutionnel (sic) (pauvre Conseil !) - de pouvoir garder une connexion internet que d'être privé d'eau, d'électricité, coupures pour lesquelles il n'est point besoin de s'adresser au juge. Pauvre société !!!

Je me suis abstenu en première lecture car je considérais et je considère toujours que l'obstruction du Parti Socialiste apparaît déplacée et dérisoire. Il y a autre chose à faire pour s'opposer véritablement à la droite et sur des sujets plus importants.

L'intervention du juge étant maintenant prévue par ordonnance pénale, j'ai décidé d'approuver le texte. »
Source : PC impact

Décortiquons donc :
« J'ai toujours été contre le vol »
Première erreur, le téléchargement illégal est illégal, soit, mais ce n’est pas un vol (c'est-à-dire subtiliser quelque chose à quelqu’un), il s’agit d’une forme de contrefaçon (reproduction du disque), et d'un recel (consécutivement au partage de ladite reproduction), ce qui est très différent techniquement et juridiquement. Il faudrait arrêter d’utiliser des mots pour d’autres. Une foi l’œuvre téléchargée, aucun CD, ni aucun DVD n’a été volé, le manque à gagner est purement théorique d'une part, et fortement controversé, car des études montrent que ceux qui téléchargent sont aussi ceux qui consomment le plus. De plus, il s'agit là (dans l'immense majorité des cas) de contrefaçon à but non lucratif, et dont le cout est nul.

« […] que des sanctions soient prises contre ceux qui pillent les droits d'auteurs n'est que justice. »
Ce qui ne sera pas le cas en fait. La sanction s’abattra sur celui qui n’aura pas « sécurisé » sa connexion. La loi, se basant sur l’adresse IP, ne permet pas d’identifier « ceux qui pillent les droits d’auteurs ». Les procédures techniques permettant de « protéger » l’accès ne sont pas dévoilées, seront obligatoires pour prouver sa bonne foi, et n’ont aucune obligation d’être interopérable. Et je ne parle même pas des failles de sécurités que ces mouchards risquent d’ouvrir.

«Il est toute de même inquiétant de voir que dans notre société, il est plus important – liberté fondamentale reconnue par le Conseil Constitutionnel - de pouvoir garder une connexion internet que d'être privé d'eau, d'électricité, coupures pour lesquelles il n'est point besoin de s'adresser au juge. »
Je passe sur la critique du Conseil Constitutionnel qui à eu l’audace insoutenable de rejeter l’Hadopi1 qui compromettait les libertés fondamentales pour me pencher sur le parallèle à l’eau et à l’électricité. Ceci est une boulette répétée plusieurs fois tout au long des discutions de la loi, et exportée dans les déclarations hors de l’hémicycle. Maître Eolas ayant déjà parlé de cela bien mieux que je ne pourrais le faire, je vous rapporte ses observations faites lors de la remise du prix Busiris à Henri Guaino :
« Comment l'eau et l'electricité arrive-t-elle chez vous ? Seule une personne ayant un jour vécu dans autre chose qu'un appartement de fonction, ce qui disqualifie visiblement M. Guaino, aura la réponse. Par un contrat d'abonnement. Oh ? Comme internet ? Eh ben oui, comme internet.

Que se passe-t-il si on ne paye pas sa facture d'eau ? On vous coupe l'eau. Que se passe-t-il quand on ne paye pas sa facture d'électricité ? On vous coupe l'électricité. Que se passe-t-il quand on ne paye pas sa facture internet ? On vous coupe internet. Admirez la différence de protection. »
Il en découle qu’il n’est pas nécessaire d’aller devant le juge pour couper internet. Pour ce qui est des délits, Maître Eolas dit encore :
« J'ai beau retourner mon journal officiel dans tous les sens, je n'ai pas trouvé de loi prévoyant comme sanction à un comportement illicite la suspension de l'abonnement à l'eau ou à l'électricité. Même pour les coupables de meurtre par noyade ou pire encore ces monstres à sang froid plus proches de la bête que de l'homme qui percent un trou dans leur mur à 8 heures un dimanche. »

Curieux, non ? Il semble que le parallèle à l’électricité et à l’eau ne soit pas heureux que ça en fin de compte…


Mais voyons la suite de ce qu'a a dire monsieur Jean Michel.
« Je me suis abstenu en première lecture car je considérais et je considère toujours que l'obstruction du Parti Socialiste apparaît déplacée et dérisoire. Il y a autre chose à faire pour s'opposer véritablement à la droite et sur des sujets plus importants. »
Ah ? Il est donc déplacé et dérisoire de protéger le citoyen contre les dérives sécuritaristes visant a mettre tout le monde sur écoute, à les priver le plus possible de la défense contradictoire (ordonnance pénale powaa) et à instaurer le principe de présomption de culpabilité (qu’est ce que le délit de « négligence caractérisé » sinon un déni de la présomption d’innocence et un refus du principe comme quoi nul n’est responsable que de son propre fait ?)

« L'intervention du juge étant maintenant prévue par ordonnance pénale, j'ai décidé d'approuver le texte. »
Que le juge intervienne, c’est très bien. Le souci, c’est qu’il le fait à la demande d’une démarche administrative douteuse, sur des preuves douteuses, le tout dans le cadre d’une procédure qui est une exception dans une exception.


Que dire de plus sur cet argumentaire qui montre qu’en dépit de ses opinions (qu’il a parfaitement le droit d’avoir) le dossier n’est, lui, pas maîtrisé le moins du monde par le député. Quand à sa participation au débat parlementaire, elle me rappelle celle de Jack Lang, un autre phénomène qui pour n’avoir jamais essayé de s’informer sur la loi n’en a pas moins trouvé le moyen de l’ouvrir bien grande.
« Pauvre société !!! »
Je ne vous le fait pas dire, M. le député de la 6ème circonscription du Puy-de-Dôme...

image : nosdepute.fr
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