samedi 26 septembre 2009

Ys, Réécriture d'une légende armoricaine

Ys, Réécriture d'une légende armoricaine
Je vous avais promis une note plus longue lorsque mon Mémoire au sujet de la ville d’Ys serait en ligne. C’est chose faite, il est téléchargeable en format Pdf. Mais peut être ne connaissez vous pas l’histoire de la ville d’Ys, dans quel cas je vais vous la conter.


Il y a bien longtemps se dressait dans la baie de Douarnenez la belle et fière cité d’Ys. Construite sous le niveau de la mer, elle narguait les flots, protégée derrière ses digues et ses écluses. Elle avait pour roi un homme juste et bon, connu pour ses conquêtes glorieuses et pour sa piété. On l’appelait Gradlon Meur. Mais si la ville était le joyau du royaume de Cornouaille, le roi chérissait plus encore sa fille unique, la princesse Dahud, aussi belle et redoutable que l’océan auquel elle se donnait chaque soir. C’est grâce à elle que la cité prospérait et embellissait chaque jour d’avantage, car elle commandait à l’océan et au petit peuple.
Mais c’est elle aussi qui, organisant des fêtes toujours plus somptueuse, détournait les habitants des églises, si bien que l’opulence pervertit bientôt la ville. Les gens devinrent méchants, arrogants et cupides à tel point que Saint Corentin, ami et conseiller du roi vint à Ys le mettre en garde contre le courroux divin. Cependant, le roi répugnait à contraindre sa fille, et les habitant n’écoutèrent pas les injonctions de l’homme d’église, aussi, les fêtes et les joutes redoublèrent.
Un beau jour arriva en ville un prince tout de rouge vêtu. Sous sa conduite, les fêtes devinrent terribles et impies, les joutes devinrent sanglantes. Il ravit le cœur de la princesse, et par ruse, s’empara des clefs des digues. Il ouvrit alors les portes de la ville à l’océan déchainé, qui submergea la cité en une nuit de fureur.
Prévenu par l’apparition de Saint Corentin, le roi sella Morvarc’h son cheval enchanté et entreprit de fuir la ville. Tandis qu’il galopait sur les flots, il entendit Dahud qui le suppliait de la sauver, mais dès qu’il la prit en coupe, Morvarc’h commença à s’enfoncer, et bientôt, l’océan menaça de les emporter. Alors, Saint Corentin apparut une fois encore, et dit à Gradlon rejeter sa fille et de la laisser subir le châtiment. Cependant, le roi ne put s’y résoudre. L’homme de Dieu, voyant cela, frappa de sa crosse d’évêque la princesse qui fut engloutie, tandis que Morvarc’h repartait au Gallop vers le rivage.
Il ne reste aujourd’hui que quelques pierres pour témoigner de l’existence de la ville d’Ys. Quelques pierres et une légende. Mais on dit que par temps clair, on peut voir les voutes et les toitures de la ville qui jadis s’élevait fièrement. On dit que parfois, par temps calme, on peut entendre les cloches de la cathédrale d’Ys sonner, car la cité dort sous l’eau, attendant d’être réveillée pour ressurgir. Quand à Dahud, on dit qu’elle s’est changée en sirène et que, parfois, les marins entendent chanter la fille de la mer.
Ma version en vaut une autre, vous pouvez en lire quelques autres ici ; mais souvenez vous que son histoire n’est pas figée, elle est dans le cœur de ceux qui la raconte et la transmettent. Maintenant que vous connaissez l’histoire, peut être vous demandez vous en quoi consiste mon humble travail universitaire ?

Atlantide bretonne pour certains, Sodome armoricaine pour d’autres, ou encore réminiscences du mythe de la Bansíd, la femme de l’autre monde pour les spécialistes des mythes celtiques, la légende de la ville d’Ys a beaucoup évolué au fil des siècles, passant de main en main, chacun tentant de s’approprier la signification de la légende, tirant à soi la couverture, sans jamais véritablement recouvrir ses origines. La submersion de la cité légendaire a inspiré nombre d’œuvres, mystères hagiographiques, récits celtomanes, gwerz et contes folkloriques, ou encore des peintures et pièces de musiques. Les représentations de cette légende sont légion, et varient autant sur le fond que sur la forme.


Ces réécritures passées et à venir, ces couches successives plaçant le récit parfois au cœur de la littérature dans son sens le plus classique, ou au contraire aux frontières de cet art de l’écriture, se faisant tour à tour musique, opéra, tableau ou bande dessinée, se servent de la légende comme d’un catalyseur. Les œuvres qui en résultent sont alors des relectures de cette légende inaltérée au travers de la voix d’un auteur et du tempérament d’une époque ; elles mettent en scène, sous couvert de raconter une légende ancienne, les problématiques contemporaines de la société. Tel auteur y a vu un hymne à la religion et à la nation bretonne, tel autre y voit un moyen de mettre en scène la condition de la femme dans une société androcratique ou encore celle du peuple face au puissant. Le manuscrit devient, par le jeu de son intertextualité et des procédés hypertextuels qui le construisent, une œuvre littéraire à part entière et celui qui le crée, en se gorgeant à la fois de la richesse des hypotextes et de son propre mythe personnel, donne naissance à une nouvelle version. Par ce double acte de création et de transmission, d’écrivant l’auteur devient écrivain, à la fois scripteur et orateur.

***

Voilà, vous savez tout de ce qui a occupé mes trois dernières années. Ce travail s’achève, mais pas ma passion pour les mythes, contes et légendes de Bretagne et d’ailleurs. Car il reste dans mes cartons quelques passages coupés au montage, délaissés ou écartés pour conserver la structure du mémoire. Et si ces textes n’ont pas trouvés leur place dans mon manuscrit, il en trouveront une ici. En attendant, j’espère avoir éveillé votre curiosité pour les villes englouties.

Images : Jacques Lamontagne, Barsto, Luminais, Pascal Moguérou et Lifaen.
____________________

Aucun commentaire: