lundi 26 novembre 2007

Contre « l'Art de la Juxtaposition Inepte. »

Je voudrais vous parler aujourd’hui d’un fléau qui sévit depuis un certain temps, faisant des victimes dans tous les domaines artistiques, et qui ne semble pas devoir faiblir le moins du monde. Faute de mieux, je nommerai cette faute de gout l’Art de la Juxtaposition Inepte (avec les majuscule s’il vous plaît.)

De quoi s’agit-il ? Oh, vous en avez tous déjà vu des exemples, ce n’est pas cela qui manque. Il s’agit d’un procédé consistant à juxtaposer sciemment, comme son nom l’indique, plusieurs œuvres ou ouvrages totalement différents par l’époque, le style, le genre ou/et l’origine, non pas de manière à les mettre en valeur l’une par rapport à l’autre dans un rapport mutuellement gratifiant, mais par collage, car il ne s’agit pas de fusion, de mise en regard ou de création, mais bien d’une juxtaposition barbare.

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Château de Lichtenberg

Mais des exemples valent mieux qu’un long discours. Premier exemple, ce chef d’œuvre de la restauration dans le plus pur style de l’Art de la Juxtaposition Inepte : le château de Lichtenberg. Qu’est-ce donc ? Et bien pour ceux qui ne connaissent pas, il s’agit d’un château moyenâgeux bien sympathique, qui après avoir flambé s’est retrouvé, comme souvent les châteaux, en ruine. C’est là qu’entre en œuvre ce que l’on appelle « l’ambitieux projet de restauration et de mise en valeur culturelle » mais qui n’est en réalité qu’un pur et simple massacre architectural de ce pauvre castel. La preuve en image : regardez-moi cette excroissance bubonneuse qui est accrochée comme une pustule au flanc de l’édifice, et dites moi si cette adjonction hideuse apporte quoi que se soit de beau ou d’intéressant au château ? Est-ce que cette chose flatte l’architecture moderne par ses formes novatrices ? Et bien non. Plutôt que de se mettre en valeur l’un l’autre, les deux styles ainsi juxtaposés s’annulent et donnent un résultat que l’on peut au mieux qualifié de laid ou de raté.

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Gare de Strasbourg

Un autre exemple plus récent serait la gare de Strasbourg… C’est beaucoup moins laid que le cas du Lichtenberg, j’en conviens. Pourtant, une fois encore, il s’agit de juxtaposition. On aime ou on n’aime pas, mais le résultat est que l’on a simplement mis la gare sous une cloche de verre. Ce serait une nouvelle construction, je n’aurait rien à redire. Mais là, il y a juste une grande coupole qui masque l’édifice pourtant sympatique qui se trouve à l’intérieur. C’est un peu dommage.

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Reichstag

Ce ne sont que de simples exemples, mais ils sont très représentatifs... Le contre exemple parfait témoignant d’une alliance de deux styles différents qui se complètent dans une fusion majestueuse, c’est le Reichstag, le Lichtenberg n’étant pas le seul monument historique à avoir flambé, et nécessitant une restauration. Je sais que je prends un cas un peu extrême, puisqu’il s’agit tout de même du siège du parlement allemand, et pas d’un petit château de province. Ni d’une gare SNCF. Ceci dit, l’association est manifestement réussie : la coupole et les parois résolument « verre et métal » de facture moderne mettent en valeur le reste de l’édifice, autant que la majesté du palais projette son éclat sur la coupole. Ce n’est pas de la juxtaposition. Les juxtapositionistes devraient aller faire un stage à Berlin, ils y apprendraient qu’ils sont des imbéciles.

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Mais l’architecture est loin d’être l’unique cible des juxtapositionistes. Le théâtre aussi. Vous êtes allé au théâtre récemment ? Voir des pièces « contemporaines » ? Ah, sans doute suis-je un réac, et la postérité donnera raison à ces créateurs de pièces que je juge, moi, inepte, et jugerons les gens comme moi comme étant ceux qui n’ont rien compris à l’art de leur temps. Peut-être auront-ils raison, je n’en sais rien. Toujours est-il que mon ouverture d’esprit n’est pas assez grande pour supporter des pièces comme Phèdre 'de mémoire' par exemple, mettant en scène deux femmes qui parlent, et qui de temps en temps, déclament quelques vers du magistral Phèdre de Racine. Hérésie. J’ai une grande admiration pour les pièces de Racine, et tout particulièrement pour son Phèdre, aussi suis-je peut-être un peu vif par rapport à cette pièce en particulier. Mais franchement, non, je ne peux pas. Laissez Racine tranquille, et écrivez vos propres pièces. Non à la juxtaposition !

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Encore un autre domaine touché, celui de la musique. Je ne parlerai pas des technophiles, ni des sampleurs, car contre toute attentes, leurs productions sont parfois intéressantes étant donné qu’ils cherchent justement à se mettre en valeur à l’aide de musiques piochées à droite et à gauche, même s’ils comptent tout de même beaucoup de juxtapositionistes dans leurs rang. Non. Je parlerai d’un cas particulier que j’exècre. Mozart l’Egyptien de Hughes de Courson. Ce type, je le hais pour avoir fait ça. Le principe louable de cette œuvre, c’est de mettre en regard, ou plutôt en écoute, la musique de Mozart et la musique Egyptienne. Malheureusement, le compositeur coupe court à ce qu’il nome un « dialogue entre deux cultures et deux musiques » car à l’évidence, il ne va pas assez loin. N’importe qui, avec iTunes peut parvenir au même résultat que lui, en faisant une playlist alternant les deux genres, et en activant l’option « lecture en fondu ». Car c’est bien de cela qu’il s’agit : les pièces des deux genres sont tronquées, le passage d’un morceau tronqué à un autre se fait par un léger fondu, mais la plupart du temps, les morceaux restent parfaitement distincts. Pas de dialogue, pas de création, pas d’association, juste deux œuvres qui entrent sans finesse en collision, gâchant autant la musique de Mozart que la musique Egyptienne.

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1 commentaire:

Morigan a dit…

J'ai trouvé ça en flanant de liens en liens... A votre avis, ça se range dans quelle catégorie ce truc ...